Patrimoine architectural : les cases créoles de la Réunion 


Les cases créoles de la Réunion ont un caractère qui leur est bien propre : une architecture façonnée par l’héritage culturel laissé par les colonies et leur économie d’exploitations agricoles, Les cases créoles réunionnaises sont d’un mélange de savoir-faire Européen et Indien; le tout adapté au climat tropical de l’île intense.

Les premières influences architecturales encore visibles à ce jour, remontent au XVIIIe siècle et témoignent d’une économie de plantation. Ce type de construction est caractérisé par un fort aspect rustique due au manque de décor des façades extérieures, d’imposantes structures de bois héritées du savoir-faire des charpentiers de marines, et de larges galeries – appelées varangues – au rez-de-chaussée, ouvrant sur le jardin. Vous l’aurez compris, les maisons créoles aux plans massés étaient donc d’une volumétrie plus qu’importante, leur donnant une certaine majestuosité : les plus grandes propriétés avaient même une varangue à chaque étage. A ces caractéristiques venaient s’ajouter un toit « à l’italienne » et des façades dites « écrans ». Ces dernières s’identifient grâce à leurs murs percés d’une porte ou d’un hall d’entrée et de deux à plusieurs fenêtres, selon la taille de la demeure, situées de part et d’autre de l’entrée. Les toits « à l’italienne », quant à eux, se démarquent par une structure à quatre pans – fortement adaptée aux fortes pluies tropicales – où viennent s’immiscer, sur chacun des pans, les fenêtres des appartements situés à l’étage de la maison. Certains toits des cases créoles étaient inspirés des bâtisses de Pondichéry et étaient de forme conique, destinés à l’ époque au séchage du café. En témoigne aujourd’hui encore la Chapelle Pointue située à Villèle, devenue depuis peu un musée historique.

Au début du XIXe siècle, l’influence néo-classique se fait peu à peu ressentir et donne naissance à une architecture ”composite”. Les modes de vie changent et le temps passé à la maison s’oriente d’avantage vers l’extérieur, c’est ainsi que viennent alors s’ajouter les varangues– plus communément appelées vérandas – au devant des anciennes maisons créoles. Celles-ci sont couvertes afin d’offrir aux familles de l’époque un nouvel espace de vie ni situé à l’intérieur, ni à l’extérieur. Ces varangues sont soutenues soit par des piliers en bois de forme carrée avec des rainures verticales, soit par des colonnes inspirées de l’architecture toscane. Ces colonnes italiennes sont en briques rondes et placées sur des piédestaux. Au delà de ces colonnes en pierre, certaines propriétés – surement parmi les plus luxueuses – ont hérité du savoir-faire italien d’aménager l’extérieur du domicile. En effet, les façades de ces cases créoles étaient orientées vers le coucher du soleil étaient devenues les espaces de vie mis en valeur, où lumière du crépuscule venait se mêler aux lumières de la véranda et de la maison pour finalement venir refléter dans la pièce d’eau du jardin. Une bien élégante manière d’embellir l’espace de vie de ces cases créoles lorsque toute la famille se retrouve à la tombée de la nuit.

En plus de ces inspirations italiennes, le XIXe siècle suscite un intérêt grandissant pour l’ornement des façades extérieures à travers, notamment, l’utilisation de fines menuiseries et moulures de bois qui viendront se fixer sur les volets, portes et dessus de vérandas. Formes arrondies et géométriques viennent embellir les façades restées jusqu’ici assez rustiques. Même les varangues deviennent partiellement décorées de garde-corps en planches de bois découpées. Un autre trait caractériel du XIXe siècle est le lambrequin, souvent placé à l’extrémité des toitures, ce fin habillage de maison deviendra par la suite l’un des caractères principaux des cases créoles comme on le conçoit aujourd’hui à la Réunion.

Cases créoles réunionnaises

Au XXe siècle, l’architecture réunit avec habilité les influences du XVIIIe et XIXe siècle en conjuguant façades écrans et belles vérandas, le tout orné de fines menuiseries toujours autant maitrisées qu’auparavant. Les maisons de cette époque furent souvent rehaussées de couleurs vives se mariant fort bien aux belles nuances des jardins fleuris entourant ces cases créoles. Deux autres types de maisons apparaissent durant le XXe siècle et se répandent dans les différents quartiers de l’île : la case en bois sous tôle et la “case Tomi”.

La case créole en bois sous tôle est une construction typique de la classe défavorisée réunionnaise de l’époque. Elle est une version solidifiée des anciennes paillotes – habitations des premiers exilés de l’époque colonialiste. Ces constructions avaient été rendues possibles grâce à l’arrivée sur l’île de fûts métalliques et de feuilles de tôle. La case en bois sous tôle est, comme son nom l’indique, constituée d’une ossature en bois sur laquelle viennent se poser deux feuilles de tôle en guise de toit. Cette case créole a un charme tout particulier lors des grosses averses durant la saison des pluies ; on parle alors du bruit de « la plui si tol » (« la pluie qui tombe sur la tôle ») car ces habitations n’avaient pas de faux plafonds et seule la tôle vous séparait de la pluie.

Durant la deuxième moitié du XXe siècle, Maurice Tomi – un entrepreneur de l’époque à qui l’on doit les “cases Tomi” – mit en place un procédé de construction où les angles de la maison étaient désormais faits en dur, à l’aide de parpaings. Le reste de l’ossature était en bois, le tout recouvert d’une tôle et d’un faux plafond. Cette maison peu onéreuse, solide et respectant l’esthétique de ces grandes sœurs assura l’implantation des cases créoles dans le paysage réunionnais en contribuant de manière importante au développement de la richesse architecturale de l’île de la Réunion.