Maloya : Le Rwa kaf – LE PATRIARCHE


“Lo Rwa kaf” (le Roi des Noirs en créole) est l’un des premiers artistes à mettre en avant la négritude réunionnaise. Personnage emblématique, il marque le paysage culturel et social du maloya traditionnel.


DES ORIGINES MALGACHES

Seul garçon de sa fratrie, Gérose Barivoitse est surnommé “Lo Rwa” dès son plus jeune âge. Bientôt son patron lui attribue l’épithète “Kaf”. Sa grand-mère malgache, originaire du pays Antandroy, lui transmet les rythmes et les accords en même temps que la tradition orale de ses ancêtres, fondement de son identité. Lo Rwa Kaf reprend des chansons de la grande Île; c’est aussi le premier à introduire des pans entiers de la culture malgache dans le maloya. Il se rend sur la terre de ses ancêtres à l’aube des années 1980.

MULTI-INSTRUMENTISTE ET CONTEUR 

Lo Rwa Kaf joue de tous les instruments traditionnels du maloya. Il les fabrique lui-même. Il joue aussi de l’accordéon et de la flûte. Son instrument préféré est le bobre avec lequel il s’accompagne le plus souvent. Conteur, grand amateur d’histoires créoles et de devinettes (les sirandanes), il est le messager d’un maloya traditionnel qui s’exprime notamment par les “servis kabaré” (célébration marquée de chants, danses & ofrrandes en l’honneur de la mémoire de nos ancêtres). Lo Rwa Kaf est le premier musicien réunionnais à enregistrer en 1992 un CD de maloya : Somin galisé. Son second album, Tradition maloya sort en 1997.


L’HÉRITAGE AFRICAIN ET MALGACHE

Le maloya tel qu’on le connaît aujourd’hui est joué sur des instruments comme le bobre, le kayamb, le roulèr et le pikér, introduits par des esclaves africains. D’autres instruments comme la valiha et le timba, rapportés par des esclaves originaires de Madagascar ou du Mozambique, ont disparu de la musique réunionnaise. Utilisé à l’origine comme signal d’appel par les pêcheurs, l’ancive, coquillage servant de trompe, a également disparu du patrimoine musical de l’île.

LES INSTRUMENTS DU MALOYA

Le roulèr est un membranophone. C’est l’instrument de base du maloya, puisqu’il en donne la pulsation. Il a été conçu par des esclaves au XVIIIe à partir des tonneaux transportés par les navires français.

Le pikér est un idiophone frappé ou “piké” avec deux baguettes. Il se compose d’un tube en bambou.

Le bobre (ou bob) est un cordophone, répandu dans toute l’Afrique de l’Est et à Madagascar. Cet arc musical est très présent dans l’iconographie locale du XIXe siècle. Le bob a une fonction essentiellement rythmique dans le maloya. Instrument de prédilection des conteurs et des marionnettistes, il sert aussi à accompagner le moringue (Forme de capoeira Réunionnaise – une sorte d’art martial dansé).

Le kayamb est un idiophone originaire d’Afrique. On le retrouve à Madagascar où kayemba signifie “qui sonne” et au Mozambique sous le nom de kaembé. À La Réunion, il est fabriqué en tiges de fleurs de cannes à sucre fixées sur un cadre de bois rectangulaire. Avant de fixer les dernières tiges, on introduit des graines, généralement de cascavelle, de conflore ou de job.


DES CONCERTS MÉMORABLES

En 1984, le grand public le découvre au festival de Château Morange à Saint-Denis. L’année suivante, le patriarche donne un concert au stade de l’Est, avec Touré Kunda devant plus de 20 000 spectateurs. Moins connu que ses pairs en métropole, c’est toutefois l’un des premiers à exporter le maloya hors de l’île, en se produisant sur la scène des Musiques Métisses à Angoulême en 1984 et à l’Olympia en 1992.

En 2004, le roi meurt. Il avait 83 ans


Cet article est issu du livre “Les Petites Histoires des Musiques Réunionnaises”, de Sandrine Barège & Fabienne Jonca. Découvrez chacun des chapitres de cet ouvrage :

Les femmes – Jacqueline Farreyrol

Le séga – Luc Donat

Les ensembles instrumentaux – Le groupe Folklorique de la Réunion

La fusion – Alain Peters & Thierry Gauliris

Les bonus – André Maurice